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Berlinale 2017 – compétition jour #6: L’autre côté de l’espoir (Toivon tuolla puolen) / Beuys

Et ce qu’on redoutait hier est advenu. La bonne nouvelle, c’est que cela prouve que cette 67 édition du plus grand festival public – la Berlinale a annoncé aujourd’hui qu’à date environ 250’000 tickets ont été vendu – est un bon cru. Oui, Sally Potter a définitivement un concurrent très sérieux en Aki Kaurismäki, ceci d’autant plus qu’ils opèrent dans le même registre de la comédie d’éveil  et de conscientisation.

The Other Side Of Hope / L’autre côté de l’espoir (Toivon tuolla puolen)

Étonnamment, pour Aki Kaurismäki, c’est la première sélection en compétition de la Berlinale. Et pour une première, c’est une première ! Avec ce dernier film, le réalisateur finlandais semble monter en puissance minimaliste – il s’approche avec légèreté du sommet qui se nomme chef-d’œuvre. Son travail a toujours impliqué un cadrage au millimètre, une économie des dialogues extrêmement contrôlée, basée sur l’humour, l’absurde et la parcimonie, une approche expressionniste plutôt que naturaliste. Dans son dernier film, c’est une ode à la solidarité mais aussi cinéma que tourne Kaurismäki, de manière quasi héroïque en ces temps numériques avec le choix du 35 mm et une dédicace permanent aux scènes cadrées comme des tableaux. Les personnages se meuvent dans ce cadre, dans une relation de distance avec ceux qui les regardent- il n’y a jamais la tentation de l’empathie dans le cinéma de Kaurismäki, où à travers quelques détails mis en évidence, les angles de prises de vue, le propos tenu se transmet avec mille fois plus d’efficacité que par le verbiage continu qui ne cesse pas de s’expliquer et se réexpliquer.  Sans compter cette merveilleuse marotte qui le rend reconnaissable dès les premières images d’un film : un rendu intemporel à travers l’usage mixe d’objets révolus (en majorité) et contemporains (quand on ne peut l’éviter), mais surtout l’omniprésence de la couleur bleue (dans toute ses gradations) qui sont la couleur de tous les murs contrastés avec des dégradés vermillons, oranges ou jaunes qui forment la base de sa palette de couleurs.
Au-delà de cette obsession pour les détails qui parlent d’eux-mêmes, des larges gros plans sur les personnages qui n’expriment directement que le strict nécessaire, l’essentiel passant par derrière le masque des visages, plusieurs scènes sont emblématiques de cette approche. L’une d’entre elle est l’attaque contre Khaled par un membre d’une ligue de défense de la Finlande qui finit par une insulte : cela t’apprendra « jewboy » ! À ceux qui ne veulent toujours pas comprendre : un jour cela concerne tel ou tel groupe, mais rien ni personne n’est jamais à l’abri de cette violence de l’arbitraire. Il y a toujours un prochain.

Sherwan Haji, Nuppu Koivu, Janne Hyytiäinen, Sakari Kuosmanen, Ilkka Koivula - Toivon tuolla puolen | The Other Side of Hope | L'autre côté de l'espoir Malla Hukkanen © Sputnik Oy
Sherwan Haji, Nuppu Koivu, Janne Hyytiäinen, Sakari Kuosmanen, Ilkka Koivula – Toivon tuolla puolen | The Other Side of Hope | L’autre côté de l’espoir
Malla Hukkanen © Sputnik Oy

L’autre côté de l’espoir, c’est les destins croisés de deux individus qui tentent de reprendre la main sur leur vie. L’un, Khaled, réfugié syrien, arrive dans un chargement de charbon en Finlande par hasard. Il y demande l’asile qui lui est refusé ce qui l’oblige à s’enfuir pour ne pas être expulsé. L’autre, c’est Wikström, un représentant de commerce vendeur de chemise qui d’un coup quitte sa femme et son appartement sans un mot, posant simplement son alliance sur la table de la cuisine, vend son stock de chemise et achète un restaurant. Ces deux hommes qui ont évolué dans des mondes différents jusqu’à présent se retrouvent à la même croisée des chemins, celle de la recherche d’une vie meilleure. Plus universel que cela, il n’y a pas. C’est bien pourquoi, de tout temps, sur tous les continents, dans toutes les cultures, les gens sont prêts à se sacrifier pour cet espoir et/ou à mourir sur la route qui y mène.

Pas un gramme de gras, ni dans la narration ni dans la cinématographie, rien de superflu, juste une esthétique concise dans le cadre d’évidentes vérités sur la condition humaine. Du grand art !

De Aki Kaurismäki ; avec Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen, Janne Hyytiäinen, Ilkka Koivula, Nuppo Koivu, Simon Hussein Al-Bazoon, Niroz Haji, Kaija Pakarinen ; Finlande, Allemagne ; 2017 ; 98 min.

De nombreuses « Quote of the Day » issues de la conférence de presse

Beuys

C’est un peu un mystère cette présence en compétition du documentaire sur l’artiste allemand Joseph Beuys, chantre provocateur de la performance et de l’art radical.
En vérité, pas grand chose à dire si ce n’est qu’il y a de nombreux documentaires dans la section Panorama qui aurait pu prendre sa place et présenter quelque chose de plus innovant. Le montage d’Andres Veiel est un très bon travail de documentariste qui met en scène des archives où l’artiste prend souvent lui-même la parole et permet de créer une sorte de portrait ouvert laissant des espaces d’idées à remplir soi-même, plutôt que de poser des idées toutes faites. On regrettera cependant les moments de paresse où apparaissent, face caméra, les experts expertisant.

Joseph Beuys mit Studenten im Ringgespräch, Raum 20, Staatliche Kunstakademie Düsseldorf, 1967 (links: Johannes Stüttgen) Ute Klophaus © zeroonefilm/ bpk ErnstvonSiemensKunststiftung StiftungMuseumSchlossMoyland
Joseph Beuys mit Studenten im Ringgespräch, Raum 20, Staatliche Kunstakademie Düsseldorf, 1967 (links: Johannes Stüttgen)
Ute Klophaus © zeroonefilm/ bpk ErnstvonSiemensKunststiftung StiftungMuseumSchlossMoyland

d’Andres Veiel ; Allemagne ; 2017 ; 107 minutes.

Malik Berkati, Berlin                                      

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Malik Berkati

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